Voir la première partie de cet article plus bas.

«L’histoire, réalité ou connaissance, a toujours été masculine : elle ne s’est intéressées qu’aux activités culturellement assignées aux hommes. Cette histoire est foncièrement patriarcale. Ce n’est que depuis un siècle environ que des femmes ont réalisé que cette histoire était partielle et partiale, puisqu’elle oblitérait la moitié de l’humanité.» Micheline Dumont, historienne

28 novembre

Femmes et politique 8Les manarchistes

Il me semble que j’aurais beaucoup de choses à dire sur cet atelier sur les manarchistes, organisé par le comité femmes de l’UQÀM. En bref, un outil, dont le but était de faire prendre conscience à ces messieurs leur comportement contradictoire, nous a été proposé pour qu’on en fasse l’analyse et la critique. Ce long questionnaire n’était pas sans… contradictions aussi. Un truc assez oppressant finalement, pour dénoncer des oppresseurs qui se disent féministes appelés, si j’ai bien compris des «manarchistes»*? (voir la définition donnée en atelier en bas de page). Comme quoi, ni les hommes, ni les femmes ne sont à l’abri des incohérences, les yeux aveuglés par le rétroviseur. Si le but est de sensibiliser ces dites personnes, ce sera raté, si c’est de les confronter, 5 questions au lieu de 84 feraient la job… À mon avis, un zine avec des cas vécus serait beaucoup plus efficace comme outil. Par contre, la discussion était excellente pour nous faire prendre conscience de l’oppression que nous avons vécue dans notre vie…

La violence dans les relations

L’automne dernier, j’ai subi une courte série d’autres insultes et actes violents, pour la plupart venant d’hommes inconnus. J’ai été très déstabilisée par tout cela, dans le foulée de l’attentat raté contre notre nouvelle première femme première ministre (Québec) qui faisait son discours de victoire (et qui a fait un mort parmi les techniciens). Sur une page de forum d’OM, j’ai raconté plus en détails ces actes d’agressivité, dont deux bizarres quasi accidents où je me suis trouvée surprise d’être encore en vie. Est venu à mes oreilles les commentaires d’un militant : c’était, selon lui, de la paranoïa. J’étais estomaquée, la personne en question ne s’est jamais souciée de prendre de mes nouvelles, mais me jugeait du panache de sa haute connaissance de la psychologie humaine. Pour la camaraderie, on repassera! Je me suis sortie de cette mauvaise passe en organisant chez moi un cercle de discussion privé sur la violence dans la société. Le désir de domination semble malheureusement intrinsèque aux rapports humains générant de la violence explicite ou insidieuse. C’est une autre piste de réflexion développée par les féministes qui a déjà été beaucoup développée, mais à mon avis avec un manque de posture interrelationnelle. Autrement dit, sur fb, ce ne sont pas tant les attaques personnelles ou le manque de répondant qui démobilise, mais la façon dont tous les autres réagissent par leur indifférence et parfois leur désensibilisation qui les déshumanise et qui est propre au médium puisque tout passe si vite… Et cela a un impact sur notre militance. Cela dépasse aussi de beaucoup le seul cadre d’analyse homme-femme.

8 mars

Le plaisir et la reconnaissance

Oui, le plaisir et la reconnaissance, parlons-en aussi. Il va sans dire que tout ce bénévolat communautaire et politique apporte de nombreuses satisfactions qui nourrissent au quotidien notre engagement, notre implication, nos relations sociales et notre futur. Fraternité/sororité, réseau d’entraide, expériences de vie unique en son genre, fierté, dépassement de soi, résultats concrets sur la place publique, inspiration à vivre mieux et autrement, etc. Ces actions répondent à de profonds besoins psychosociaux qui ont été bien définis par le classique de la pyramide de Maslow :

  •      Besoin d’accomplissement de soi
  •      Besoin d’estime
  •      Besoin d’appartenance et d’amour
  •      Besoin de sécurité
  •      Besoins physiologiques

Il est important de comprendre mieux quels sont les besoins universels de tous les êtres humains, hommes, femmes, enfants et de tous âges. Puis de les garder en tête et dans notre cœur lorsqu’on prétend avoir une action politique pour le bien commun.

«il y avait le droit plaisir, et par-dessous tout, le bon plaisir, la raison du plus fort.» Zola

Traditionnellement, les hommes portent davantage leur attention sur la tâche et sur les résultats visibles; ils sont aiguillés par la compétition comme principe d’avancement. Les femmes sont plus axées sur les relations et le processus de travail invisibles et mettent plutôt de l’avant la coopération (ce dernier point sera à rediscuter) comme principe de développement. Si le plaisir d’être dans une action bénévole politique veut être partagé par tous et toutes, son accomplissement se vit différemment selon les personnes, les sexes et les classes sociales et son échec aussi. Une femme qui quitte un parti politique, une association ou un collectif informel ou communautaire le fait entre autres parce qu’elle en a assez des jeux de coulisse où elle voit voler les couteaux dans le dos contre elle ou contre d’autres, – comme ma mère au Parti Québécois. Ou encore parce qu’une femme ne se sent pas suffisamment appréciée, comme parfois moi-même à Occupons Montréal, où des publications écrites résultant d’un vrai travail de réflexion ont été peu commentées, tombant vite dans l’oubli ou dans l’indifférence.

Cela peut être aussi le fait d’un mauvais choix de canal de communication, mais j’ai l’impression que les hommes vont passer par-dessus cela plus facilement que les femmes. Je vais plutôt chercher le canal qui existe déjà pour me faire entendre, tandis que peut-être un homme va vouloir le créer à son image? Ou encore, même phénomène de sentiment d’exclusion (la perception peut être juste ou fausse, mais peu importe, le sentiment est là, incontournable tant qu’il n’est pas nommé) : ainsi une personne propose une action qui est d’emblée rejetée, pour des raisons à l’opposé de ce qui la motive au départ, les personnes qui la repoussent en bloc ne prenant le temps d’en questionner les tenants et aboutissants. Lorsque cela m’arrive, je suis peut-être moins ‘armée’ pour tourner la page rapidement. Et cela arrive très souvent en politique, peu importe qu’on soit un homme ou une femme, mais j’avance que c’est la réaction qui est généralement différente. J’ai occasionnellement  travaillé dans des milieux d’hommes (la construction) et j’ai toujours été fascinée à quel point les hommes peuvent s’engueuler et se critiquer vertement puis aller prendre une bière après… Les femmes sont rarement capables de faire cela. Par contre, ils vont se ‘compétitionner’ de manière souvent aberrante, avec une grande perte d’énergie. Je reviendrai dans un autre article sur les travers des femmes au travail ou en politique, bien évidemment loin d’être parfaites mesdames… Peut-être heureusement, ça reste à voir…

Modération ou radicalisme ?

Vous remarquez peut-être que même dans cette réflexion présente, je reste prudente et nuancée dans mes affirmations et questions, est-ce par manque de confiance ou par sentiment que la Vérité n’existe pas? Peut-être un peu des deux? Ce qui veut dire aussi que lorsque je me trouve dans un groupe de radicaux, je suis mal à l’aise, je quitte assez vite, autre raison de fuite. Et ce, même si je considère, comme plusieurs personnes de ma génération X, être devenue plus radicale ou moins modérée avec l’âge, ce qui est contraire à l’évolution normalement observée des générations. À l’opposé, plusieurs jeunes militants masculins ont quitté OM parce qu’ils trouvaient, entre autres, pas assez radical. Cependant, est-ce que la modération est une marque féminine? Je n’en suis pas certaine… N’a-t-on pas parlé de féministes radicales des années ’70? Le radicalisme vient plutôt d’une condition sociale d’opprimé.e.s, combinée à une condition familiale difficile. Mais cela est une toute une autre histoire…

 

Femmes et politique 3Boysclub et « plancher collant »

J’écoutais l’automne dernier une entrevue au sujet de la publication d’un livre le sexisme en politique par une ancienne ministre libérale des finances et du Conseil du trésor du Québec, Monique Jérôme-Forget. Dans son livre, elle dénonçait entre autres, ce plafond de verre du « boysclub » qui cantonne les femmes à des postes de pouvoir subalterne. Mais ce qu’elle ajoute est encore plus intéressant. Elle parle du « plancher collant » où les femmes elles-mêmes sont à critiquer puisqu’elles se bloquent aussi elles-mêmes trop souvent en se demandant si elles vont être capables d’aller plus haut… Je trouve que cette posture est très mature. C’est bien beau de critiquer les autres, ici en l’occurrence les hommes, mais quand on regarde dans sa cour… c’est tout aussi important et on y trouve aussi nos propres faiblesses comme femmes. C’est précisément cette prise de conscience qui nous fait évoluer comme personne et comme peuple.

Une autre façon totalement alternative d’envisager cette question est de me demander si j’ai envie de participer à ce type de pouvoir et ce type de réussite. Pour ma part, la réponse est clairement non, ce qui ne veut pas dire que je n’appuie pas les femmes (et les hommes) qui choisissent cette voie.

Femmes et politique 6De la discussion aux salons au type d’organisation

Prendre connaissance de notre histoire et de l’apport des femmes à la politique nous apporte beaucoup d’enseignement aussi. « Afin de se soustraire au diktat [de l’absolutisme royal du roi Louis XIV], de grandes dames de l’aristocratie se retirent de la cour, préférant un espace privé où elles accueillent leurs familiers. Ce phénomène semble naître vers 1618 avec la marquise de Rambouillet. […] Ces dames animent des salons qui s’efforcent de tenir à distance la violence du siècle autant que la tutelle de l’Église. Elles en viennent à établir un savoir-vivre et une nouvelle civilité liée à l’art de la conversation : l’intuition psychologique et l’improvisation comptent désormais autant que les connaissances. Subtilement décliné, l’esprit définit une nouvelle politesse et les limites de l’humour toléré, de même que l’éloquence du corps (regard et gestes). Ces nouveaux usages, qui supposent l’égalité des partenaires, font découvrir à la noblesse, bridée à la cour, une nouvelle civilité ou l’épée est échangée contre la rhétorique.» (Michel Laurin) Voir mon blogue à ce sujet : https://evemarieblog.wordpress.com/2012/09/13/histoire_conversation_salons_groupe-de-discussion/

Ce qui m’apparait particulièrement pertinent à notre sujet ici est le nouveau mode de communication que ces femmes d’autrefois ont mis en place après la Renaissance. C’est ce manque d’intuition dans les communications, la « structurite » aigüe de certaines organisations militantes et le pouvoir de type hiérarchique (ou vertical) qui font aussi parfois fuir certaines femmes, plus à l’aise dans un fonctionnement informel ou organique. Mais par contre, j’en connais quelques-unes qui sont parties, comme leurs camarades masculins d’ailleurs, parce qu’Occupons Montréal n’était pas assez structuré…

Femmes et politique 9

En conclusion, je crois qu’on peut dire que la vie politique et la vie… tout court se vit différemment selon que l’on soit un homme ou une femme et d’un individu à un autre. Le mouvement féministe des années ‘60/70 avec son égalitarisme ‘aplanisseur’ a nié les différences, qui, je crois, sont pertinentes et nécessaires à la vie humaine, c’est du moins la thèse récente de l’auteure Nancy Houston « Reflets dans un œil d’homme », contredisant ainsi la célèbre thèse de Beauvoir  « On ne nait pas femme, on le devient » (voir références ici-bas). Houston renverse la perspective en affirmant au contraire « qu’on ne nait pas homme, mais on le devient. Le masculin a besoin d’être trouvé, renforcé ou réitéré ». En ce sens, j’ajoute que peut-être la vie politique permet davantage aux hommes de le devenir et de s’y exprimer, tandis que les femmes y trouvent moins leur compte en « étant » tout simplement ? La question est loin d’être cernée complètement. Mais toujours est-il que le féminisme en politique d’aujourd’hui ne signifie plus être pareille au « sexe fort », comme l’on disait autrefois, mais plutôt être exigeante dans l’acceptation et la formation de notre sensibilité particulière comme enrichissement spirituel au monde et à la vie collective.

Paix. Justice. Confiance. Transparence. Partage des ressources… Valeurs féminines? Valeurs humaines.

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*Manarchiste : «Discours généralement tenu par un homme qui n’est pas relié à ses actes, de type oppressant envers les femmes.»

«Valorisation de certains comportements militants : leadership par l’action directe et les actions physiques (manif et autres).»

«Vit sur des privilèges qui fait qu’il peut ne pas faire ce qu’il dit et ne pas faire attention à l’oppression des autres.»

Références :

http://www.feministisktinitiativ.se/franska.php?text=eu-valmanifest-2009

http://www.levif.be/info/actualite/dossiers/les-entretiens-du-vif/nancy-huston-on-ne-nait-ni-homme-ni-femme/article-4000120771196.htm

http://www.universalis.fr/encyclopedie/le-deuxieme-sexe/

http://www.leconflit.com/article-le-deuxieme-sexe-de-simone-de-beauvoir-102878746.html

http://www.ina.fr/video/PH806055647

http://www.ledevoir.com/culture/livres/376066/ou-sont-les-femmes

FEMEN ou les manifestantes aux seins nus défendant les droits des femmes qui soulèvent d’importantes questions très controversées sur la place des femmes en politique, la démocratie, la corruption, la prostitution, la religion. Néanmoins des doutes subsistent sur le financement de ces groupes d’activistes. Voir  http://fr.wikipedia.org/wiki/Femen